Des objets

C’est au travers d’objets que se pose ma pratique.
Je les transfigure dans un espace intemporel et inaccoutumé alors que, pourtant, ils revêtent les attributs du quotidien et du familier propres à presque tout homme.
Ces objets, je les extirpe de leur milieu naturel au moyen de cet espace – le contenant - isolant son contenu – les objets - du contact extérieur. Le contenu, mis au ban, est ainsi « distingué » de ce qui ne l’est pas ; mis en exergue, il est donné à la vue. Une direction est donnée au regard.

Aussi, j’emploie des objets - préhensibles souvent - que l’on peut trouver un peu partout et qui évoquent pour la plupart d’entre nous quelque chose de familier. Dans la pléthore des duplicatas, s’évanouit un peu de leur identité propre ; cet objet que je tiens dans ma main, quelqu’un d’autre pourrait le tenir dans la sienne comme étant le sien.
L’objet est lié à celui qui le tient, ou à l’environnement dans lequel il se trouve. Il n’a donc pas d’autonomie, c’est sa fragilité. Ainsi, ces objets familiers dont l’utilisation n’a plus lieu d’être, me permettent de tisser cet environnement incertain – le contenant – qui leur ôte le statut d’objet et les met résolument en dehors d’un contexte normal et normatif.

Transfigurer une chose permet de remettre en cause l’idée que nous avions de celle-ci. Nous pouvons buter sur un mot et le rabâcher sans cesse, à visualiser son orthographe, jusqu’à finir par ne plus savoir quel en est le sens, ni même si nous l’avions rencontré auparavant.
C’est cette sensation que je m’efforce de provoquer. Je simule des instants connus, qui nous semblent avoir été vécu mille fois déjà, mais qui ne sont tout compte fait pas si familiers qu’ils paraissent. C’est ainsi que je tente de créer un léger déséquilibre propice à l’interrogation et à l’œuvre d’art.

Guillaume Legrand